18.01.2019,
Yann Rausis, rider valaisan du Freeride World Tour
Le calme et la maîtrise de Yann Rausis pourraient lui permettre d’écrire une ligne dorée sur les versants enneigés du Freeride World Tour. Sabine Papilloud
Par Grégory Cassaz
Master de physique en poche, l’Orsérien Yann Rausis peut se consacrer à 100% à sa passion du freeride sur le Tour mondial.
La pluie redouble d’intensité. Un temps à ne pas mettre un skieur dehors. Sauf lui. Ce matin-là, Yann Rausis avait prévu de rejoindre la poudreuse de Verbier au départ du Châble. Il s’est finalement ravisé. Pas en raison de la météo. «Je dois encore régler quelques détails et préparer des affaires.» Il est 9 h 30. Quatre heures plus tard, il prendra la direction de Genève. Puis d’Istanbul. Pour finalement poser ses valises et ses skis aussi amples que ses ambitions au Japon. C’est à Hakuba, dans les Alpes nippones, que lui et l’ensemble du Freeride World Tour sont attendus ce samedi pour le premier rendez-vous de la saison. Le Valaisan y entamera son troisième Tour mondial.
Quatrième du général en 2017, Yann Rausis prit le cinquième rang l’an passé. Il espère cette fois se hisser sur le podium. «J’accorde une réelle importance au ski que je présente. L’objectif premier sera d’améliorer mon niveau. Quand je regarde mes runs, je veux me dire que j’ai franchi un palier. Mais il est vrai que terminer parmi les trois premiers au terme de la saison serait une belle réalisation.»
Yann? C’est le calme et la maîtrise.»
Maude Besse, rideuse valaisanne du Freeride World Tour
Yann Rausis ne précipite pas ses réponses. Les mots sont réfléchis. Le ton est calme. Le jeune homme de 25 ans respire la sérénité. La légèreté. «C’est tout à fait lui. Yann, c’est le calme et la maîtrise. Il donne vraiment l’impression de contrôler tout ce qu’il accomplit. Cela se ressent dans ses runs très posés, toujours très agréables à admirer», confie Maude Besse, la jeune rideuse de Bruson qui voyagera aussi sur le Tour mondial cette saison. «Depuis mes débuts, je sens que j’ai gagné en expérience. Le Yann Rausis de 2019 est plus fort physiquement et sur ses skis que celui de 2017», remarque le principal concerné.
Entre maîtrise et créativité
S’il peut compter sur un ski contrôlé, fluide et précis pour tracer ses plus belles courbes sur les versants enneigés de la planète, Yann Rausis n’oublie pas qu’il faudra y ajouter une touche de créativité et de spontanéité. «Ce qui n’est pas toujours évident dans un environnement où la santé et l’intégrité priment.» Parce que contrairement à ce que les gens pourraient penser, le freeride n’est pas une discipline où tout est réalisé au feeling.
Pour un run de compétition qui dure entre trente secondes et une minute, on passe presque une journée derrière nos jumelles.»
Surtout pas chez Yann Rausis, qui est volontiers surnommé «l’homme aux jumelles» dans le milieu. «Pour un run de compétition qui dure entre trente secondes et une minute, on passe presque une journée entière derrière nos jumelles pour analyser la face. On regarde aussi des photos, à la recherche de la ligne qui nous convient. Personne n’échappe à ce côté analytique. Mentalement, c’est très intense. On se pose passablement de questions.» A côté de cette étude du terrain de jeu, Yann Rausis n’oublie pas la préparation physique. «Certains l’accomplissent essentiellement sur les skis. Personnellement, j’ai besoin de me préparer en salle avec des poids ou du trampoline, pour l’équilibre et les rotations. Je pratique aussi beaucoup de VTT en été.»
Initié à la montagne par son père, guide de montagne
Nouveauté pour lui cette année, il n’aura pas à jongler entre les skis et les bouquins universitaires, lui qui a désormais son master de physique en poche. «J’ai toujours été habité par une envie de comprendre, de creuser au fond des choses. La physique, justement, essaie de toujours aller plus loin dans la compréhension des lois de la nature, un monde qui est gigantesque.» La nature. Le raccourci est facile. N’empêche que Yann Rausis en est tombé amoureux très jeune. «Tout a commencé au Grand-Saint-Bernard, la station au fond de ma vallée», explique l’Orsérien. «Pour un petit qui découvrait le ski, le domaine était immense. J’ai tout de suite adoré ces nouvelles sensations dans un état d’esprit de découverte, de curiosité et d’amusement.»
Plus de vingt ans plus tard, Yann Rausis est toujours habité par cette âme d’enfant. «Même s’il y a d’autres contraintes aujourd’hui, ce cœur juvénile est toujours présent.» Une passion pour la nature qu’il n’aurait peut-être jamais eue sans son père, guide de montagne. «C’est lui qui m’a initié à la montagne, à sa lecture et à sa compréhension. C’est lui aussi qui m’a fait goûter à mes premiers virages de poudreuse. Si j’en suis là aujourd’hui, c’est en grande partie grâce à lui.»
Des envies artistiques et cinématographiques
Dès cette saison, il pourra profiter à 100% de cette nature qu’il chérit tant. Libéré de toute contrainte académique, il n’a pas encore songé à son après-saison pour autant. «J’essaie de ne pas me projeter si loin. Tellement de choses se décident sur le moment, tant d’expériences m’attendent ces prochains mois qu’il ne sert à rien d’établir de plan précis.»
Seule certitude, Yann Rausis pourra sculpter ses lignes sans appréhension. S’il dit que ses études lui permettaient de trouver un équilibre, il n’aura pas le temps de s’ennuyer ces prochains mois pour autant. «J’ai toujours eu besoin d’avoir quelque chose à côté du freeride. Cette année, je profiterai de prendre du temps pour lire, pour jouer un peu de musique, que ce soit du piano ou de la guitare. Toujours par simple plaisir.»
« Réaliser quelque chose d’artistique et de cinématographique autour du ski me plairait réellement.»
Autant d’activités qui lui permettent de retrouver cette liberté et cette part d’instinct qu’offre le freeride. Ce qui n’était pas le cas du ski alpin par lequel il est également passé. «Plus je tournais entre les piquets, plus j’avais envie d’en sortir», sourit Yann Rausis, membre du ski-club Champex-Ferret durant deux ans. «Mais je ne peux que remercier toutes les personnes qui m’ont enseigné la technique. Elle m’aide énormément à présent», termine celui dont la modestie l’emmènera certainement vers d’autres sommets encore. «A terme, j’aimerais me consacrer encore davantage à la vidéo. Réaliser quelque chose d’artistique et de cinématographique autour du ski me plairait réellement.»