Des Valaisans sur le Tour
Anna Smoothy s’entretient avec Yann Rausis et Elisabeth Gerritzen, des riders locaux participant au Freeride World Tour. Anna, elle-même concurrente en freeride, a rencontré les talents valaisans en Nouvelle-Zélande avant qu’ils ne rentrent au bercail pour la saison d’hiver…
Les trois athlètes Yann Rausis, Elisabeth Gerritzen et Carl Renvall viennent tout juste de se qualifier pour le Freeride World Tour 2017 (FWT) et profitent de l’impressionnant domaine skiable de Verbier pour s’entraîner. Mais qu’est-ce qui suscite un tel esprit freeride dans ce coin du Valais ? Le domaine est immense : les légendes du ski affluent ici de façon irrésistible ; partout dans la montagne, on aperçoit des lignes où il semble impossible de survivre. Peu importe sous quel angle on l’approche, ce redoutable environnement met une pression énorme sur ceux qui s’y aventurent en freeride. Je suis allée à la rencontre de Yann et d’Elisabeth afin de mieux connaître la personnalité de ces deux skieurs du val de Bagnes, passés par le Freeride World Qualifier avant d’obtenir récemment leur ticket pour le FWT.
Cela fait un moment maintenant que vous skiez et faites de la compétition ensemble, quelle a été votre première impression l’un de l’autre ?
Elis : J’avais entendu parler de Yann et de son style de ski élégant bien avant de le rencontrer. Je me souviens d’ avoir vu des photos de lui complètement dingues sur Facebook et m’être dit que c’était une machine. Il s’est avéré que j’avais vu juste. La raison pour laquelle j’étais (et suis encore) impressionnée par le style de Yann est qu’il semble aussi à l’aise dans les airs à faire des figures que sur les versants escarpés. Son style est fluide, sans avoir l’air agressif : il donne une impression de facilité.
Yann : Même si on se voyait assez souvent sur les compétitions de ski, ça nous a pris un certain temps pour apprendre à nous connaître car on a tous deux des personnalités assez réservées. Je suis aujourd’hui tellement content que nous ayons réalisé ce rêve ensemble, il y a une réelle solidarité entre nous ! Le style de ski d’Elisabeth est un subtil mélange entre légèreté et solidité. On dirait que la gravité n’a que peu d’impact sur elle quand on la voit descendre tout en rebondissant. Ce que j’adore dans sa façon de skier, c’est son fameux double planter de bâton au décollage, une technique très oldschool qu’elle a su remettre au goût du jour !
Comment s’est passée votre évolution en ski, depuis vos débuts quand vous suiviez vos parents dans les 4 Vallées jusqu’à votre carrière internationale ?
Elis : Honnêtement, j’ai oublié la dernière fois que je suivais mes parents en ski. Au mieux, c’était eux qui me suivaient ! Ou peut-être que c’était moi qui les suivais à la montée (haletant plus que ce que je ne voudrais l’admettre) lors des rares occasions où je partais faire du ski de rando avec eux.
Yann : Après avoir suivi mon père (guide de haute montagne), j’ai suivi mes entraîneurs de ski pendant quelques années. Puis je me suis mis à suivre des potes plus âgés en hors-piste ; Ce sont eux qui m’ont fait découvrir les joies du freeski. À partir de ce moment-là jusqu’à aujourd’hui, j’ai fait du ski dès que j’avais du temps à côté de l’école ou de l’université. C’est seulement il y a quelques années que j’ai décidé de tenter ma chance dans les compétitions de freeride. Ces compètes m’ont ouvert de nouvelles opportunités pour poursuivre ma passion insatiable du ski !
Elis & Yann – Avez-vous jamais imaginé que deux gamins du Valais remporteraient le FWQ et franchiraient le saut quantique les menant au FWT ?
Elis : Ma qualification me surprend bien plus que de celle de Yann ! Mais j’imagine que, de tous les endroits du monde, Verbier – avec ses versants escarpés et sa culture de la fête – est un lieu sur lequel on peut compter pour produire des riders qui sortent du lot.
Yann : Je ne fais jamais de prévisions, mais si quelqu’un m’avait dit ce qui allait se passer, j’aurais sûrement rigolé ! Les compétiteurs arrivent du monde entier, et je peux vous assurer que le Valais n’est pas le seul endroit où les riders envoient du gros.
Yann, en parlant de saut quantique, c’est ta spécialité n’est-ce pas ? Peux-tu nous en dire plus à propos de tes études dans le monde étrange et merveilleux de la physique ?
Yann : Je perçois mes études de physique comme une sorte de voyage intellectuel dans les autres dimensions de la réalité que nous expérimentons chaque jour. De mon cours de physique quantique le matin en passant par celui de cosmologie l’après-midi, je peux prendre conscience de l’immensité du monde dans lequel nous vivons, ce qui provoque en moi un sentiment vertigineux. Au terme de ces réflexions abstraites et exigeantes, j’ai pu contempler et comprendre les lois de la nature, sans pour autant en retirer quoi que ce soit de très concret. J’ai donc décidé de choisir plus de cours orientés vers l’ingénierie dans le domaine des énergies renouvelables, dans l’espoir que ces connaissances m’apporteront les outils nécessaires pour pouvoir peut-être un jour travailler sur les principaux défis de notre ère.
Yann, En quoi tes études te sont-elles le plus utiles (une seule réponse possible) : Pour draguer les filles au bar, calculer les trajectoires de tes sauts à ski, ou développer ton esprit et assurer ton avenir en dehors du ski ?
Yann : Développer mon esprit et assurer mon avenir en dehors du ski.
Elis : Rien de surprenant.
Elisabeth – Tu suis également ta propre voie à l’université de Genève. Peux-tu me dire en quoi consistent tes études et pourquoi il est important pour toi de relever des objectifs en dehors du ski ?
Elis : Je suis actuellement en bachelor de Relations internationales à Genève. Ça me fait toujours bizarre que les gens trouvent inhabituel le fait que je sois à la fois étudiante et skieuse. Jusqu’à très récemment, le ski était seulement une passion : je n’ai jamais osé imaginer pouvoir éventuellement en faire mon métier. J’avais peur que ce ne soit plus aussi amusant si je skiais tout le temps. Je pense qu’en répartissant mon temps entre ces deux univers complètement différents, je les apprécie d’autant plus. Puis ça me met moins de pression sur les épaules, car si je venais à échouer dans l’un, il me resterait toujours l’autre.
Elis – Je sais que tu aimes bien prendre des selfies avec les géants du ski : vas-tu exploser l’appareil photo de ton téléphone lors de tes débuts au FWT en présence de quelques grands noms du ski ?
Elis : C’est drôle que tu parles de ça. Ça doit être ce qui me stresse le plus en tant que novice au Freeride World Tour : jusqu’à quel point vais-je pouvoir faire ma fan ?! J’essaierai de me contrôler, mais ce sera difficile lorsque je me retrouverai au milieu des héros de mon enfance et des grandes légendes du freeski.
Elis & Yann – En parlant de grands noms, j’ai entendu que vous aviez passé l’été à skier avec Dane Tudor et Janina Kuzma en Nouvelle-Zélande : c’était comment ?
Yann : Je voulais skier durant l’été afin de me préparer pour le FWT, et au même moment, j’ai été contacté par Mons Royale, une marque de vêtements en laine mérinos basée à Wanaka. Ils m’ont proposé de venir et de séjourner dans leur centre pour athlètes. C’était une excellente opportunité et je n’ai pas hésité une seule seconde avant de réserver mes billets d’avion.
Elis : Yann et moi (ainsi qu’une poignée de riders européens au top) avons été invités à séjourner quelques semaines à la Mons House à Wanaka. Un jour, Mons Royale a eu la gentillesse de nous réserver un hélicoptère, un producteur de film ainsi qu’un déjeuner mémorable, pour ce qui constitue l’une des meilleures journées de ski de toute ma vie.
Elis & Yann – Pouvez-vous me faire un petit compte-rendu de votre journée d’héliski avec Janina et Dane ?
Elis : J’étais nerveuse à l’idée de surtout ne gâcher aucune photo, et de me ridiculiser devant les « pros ». Néanmoins, j’ai été surprise par la bonne qualité de la neige. La Nouvelle-Zélande n’est pas particulièrement connue pour ses légendaires descentes de poudreuse, et pourtant, c’est exactement ce qui nous attendait. Après avoir réussi ma première descente, j’étais beaucoup plus détendue et ai commencé à profiter de la journée.
Yann : L’hélicoptère nous a récupérés devant une ferme typiquement néo-zélandaise, c’était assez improbable ! Puis nous avons fait un petit tour dans les airs pour trouver un bon spot, et sommes parvenus à dénicher une super zone vraiment ludique qu’on a complètement ravagée avec l’équipe de Mons Royale !
Yann – Si je comprends bien, c’était un peu les « Nations Unies » du ski à la Mons House cet été ? As-tu quelques bonnes remarques concernant certaines nationalités ou caractères que tu as côtoyés au centre ?
Yann : L’Allemagne était plutôt bordélique, la France toujours motivée, l’Australie toujours de bonne humeur, et la Suisse cherchait à résoudre les problèmes !
Yann – Si tu devais comparer les suissesses et les kiwis à un genre de boisson, tu dirais quoi ? Williamine ? Prix Guarantee ? Pinot noir ? PN Jeunesse ?
Yann : Les Suissesses sont comme le Pinot noir, souples et nuancées. Les Kiwis sont plus comme la Williamine, fruitées et corsées !
Yann – Il y a beaucoup de légendes du ski qui viennent de Verbier – Qui sont-ils pour toi et comment ont-ils influencé ton ski?
Yann : Les légendes locales qui m’ont le plus inspiré sont celles que j’ai eu l’occasion de voir dévaler les couloirs de mes propres yeux. J’étais impressionné, et bien sûr, je voulais essayer de suivre leurs traces !
Comment vous êtes-vous préparés pour la vie autour du FWT ?
Elis : Avant tout, j’ai supprimé mon compte Tinder, car le bruit court qu’on en a plus besoin une fois qu’on est sur le World Tour ?! Espérons que ça soit vrai. Plus sérieusement, je suis un entraînement de pré-saison et passe le plus de temps possible sur les skis.
Yann : Nous avons fait de grands festins à la Mons House pour nous préparer aux petits-déjeuners à volonté du FWT. Nous avons aussi bu des litres de Corona dans le jacuzzi pour préparer nos corps et nos esprits à bien pire en vue de 2017.
Qu’est-ce qui vous réjouit le plus concernant le FWT 2017 ?
Elis : La nourriture, la neige et les soirées. Je ne sais pas vraiment dans quel ordre.
Yann : Je me réjouis vraiment de skier aux côtés des autres concurrents, avant et après la compète. Il y a une équipe tellement géniale, ça va être énorme !
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