«Je suis quasiment né sur les skis»
ORSIÈRES Rencontre avec Yann Rausis, qui skiera pour la première fois aux côtés des grands noms du freeride. Il participera en effet au Freeride World Tour (FWT).
EMMA LATTION
Comment en es-tu arrivé au freeride?
Je suis quasiment né sur des skis, puisque j’ai découvert ce sport à l’âge de 2 ans. J’ai ensuite toujours pratiqué le ski pour le plaisir, notamment durant quelques années au sein du ski-club Champex-Ferret où j’ai pu travailler plus spécifiquement ma technique en ski alpin. Parallèlement, mon père, guide de montagne, m’a souvent emmené faire de la peau de phoque et skier sur les pentes vierges de notre région. C’est dans ces moments passés à explorer la montagne que s’est inévitablement développée ma passion pour le freeride. Eprouver sa propre liberté au sein d’une nature somptueuse et intacte est un sentiment dont je ne saurais plus me passer désormais.
Est-ce qu’il y a eu des embûches?
Je me considère comme extrêmement chanceux de ce point de vue, puisque les seuls incidents qui me sont arrivés n’ont été ni graves, ni traumatisants. Peut-être est-ce dû en partie à mon approche assez raisonnée du sport et à la marge de sécurité que j’essaie toujours de garder. Je souhaite néanmoins rester humble et apprendre un maximum de toutes les expériences négatives auxquelles j’ai pu assister directement ou indirectement. On pratique un sport dangereux dans un milieu parfois imprévisible où la vigilance la plus extrême est de mise. Quant aux déceptions, on s’y expose forcément dès qu’on décide de pratiquer la compétition. Il s’agit juste d’apprendre à les relativiser et d’en faire un moteur.
Que dirais-tu aux enfants qui veulent faire pareil?
Je commencerais peut-être par calmer un peu leurs «folles ardeurs» en insistant sur le fait qu’il ne faut pas confondre rêve et réalité dans un sport aussi engagé. Les films et les photos de freeride font rêver tout un chacun, moi y compris, mais il faut d’abord prendre conscience du fait qu’ils sont l’aboutissement d’un travail d’équipe, fait de passion bien sûr, mais nécessitant de l’organisation, de la patience, une gestion des risques et beaucoup de persévérance. On peut se laisser griser par l’image que renvoie le freeride, surtout à un jeune âge, et foncer tête baissée. Cette conception, qui fut certainement la mienne au début, mène inévitablement à la déception mais surtout à la négligence des contraintes inhérentes à ce sport. L’apprentissage du freeride est aussi un apprentissage de la connaissance de ses limites, et devrait si possible se faire sans brûler les étapes.
Qu’est-ce qui a fait la différence pour te sélectionner au FWT?
J’ai fait notamment trois podiums d’affilée en mars sur les compétitions du Freeride World Qualifier (à Chandolin, Nendaz et Cortina). Ce qui a fait la différence, c’est cette constance que j’ai réussi à avoir durant le mois de mars où je plaquais la plupart de mes runs avec une facilité qui m’étonnait moi-même. J’ai finalement terminé 1er des Qualifiers pour la région Europe, Océanie, Asie. Durant la saison, je considérais chaque compétition comme un objectif à part entière tout en essayant de skier un maximum à côté. J’avais bien sûr cette idée du World Tour qui trottait dans un coin de ma tête, mais ce n’était pas du tout une obsession.
La saison sur le FWT est intense, est-ce que ça te fait peur?
Non, au contraire. Je me réjouis de vivre cette expérience à fond ! Les saisons précédentes étaient assez intenses également, mais je le vis bien. Physiquement, je m’entraîne régulièrement en salle et je fais du VTT durant l’automne pour être en forme une fois les skis aux pieds. Je suis aussi parti cet été en Nouvelle-Zélande pour skier. Concernant mes études, je vais passer pas mal de temps à étudier durant le mois de décembre pour pouvoir me libérer du temps en janvier et février. Allier freeride et études demande une certaine organisation.
Quelle étape t’angoisse le plus?
Celle dont je me réjouis le moins, c’est l’étape d’Andorre, où la face ressemble certaines années plus à un pierrier qu’à autre chose, mais tout dépendra de l’enneigement et des conditions sur place.
As-tu des modèles, des gens que tu admires ?
Oui, il y en a beaucoup, dans différents domaines, et pas forcément des gens connus. En ski, Candide Thovex sort du lot tant par la perfection de son style que par ses idées originales. Dans le domaine des sciences aussi, il y a des gens qu’on ne peut qu’admirer pour leurs intuitions géniales et leurs visions révolutionnaires. Mais dans la vie de tous les jours, je côtoie également des gens que j’admire tout autant, que ce soit pour leur engagement, leur ouverture d’esprit, ou simplement leur manière d’être.
Qu’est-ce que tu espères de cette saison?
Concernant les compétitions, j’espère juste réussir à produire mon meilleur ski. Sinon, je compte profiter de la joyeuse émulation présente au sein du FWT. Je suis d’ores et déjà sûr qu’on va bien se marrer!
Qui aurais-tu envie de remercier?
Je me dois évidemment de remercier mes parents, d’abord parce qu’ils m’ont indirectement fait découvrir les activités qui deviendraient plus tard mes passions, mais surtout parce qu’ils m’ont toujours soutenu dans les sports que j’entreprenais. Je remercie également mes sponsors, tout particulièrement Faction Skis et Ski Service qui me soutiennent depuis quatre ans déjà, mais aussi Mons Royale pour s’être si bien occupé de moi cet été en Nouvelle-Zélande!
Un peu de rêve…
Aller rider en Alaska me fait évidemment rêver, comme tous les autres freeriders, je pense. Les belles journées, même si elles se font souvent mériter par de longues périodes d’attente, ont juste l’air irréelles ! Les reliefs, la neige, les pentes, les fameuses «spines», tout là-bas semble avoir été dessiné pour nourrir l’imagination du skieur passionné.