Zermatt Verbier

Un film sur l’itinéraire mythique La Patrouille des Glaciers, sauce freeride

Un projet de film réalisé entre Zermatt et Verbier sur les traces de la Patrouille des Glaciers a été tourné ce printemps. Deux Suisses du Freeride World Tour se sont immiscés dans un autre univers.

Sylvain Bolt

Publié: 15.10.2020, 15h57

Quatre freeriders, dont deux Romands, ont suivi les traces de la mythique route de la Patrouille des Glaciers ce printemps. Ruedi Flück

La saison a été stoppée net. C’était mi-mars, juste après l’étape de Fieberbrunn (Autriche), là où les meilleurs mondiaux avaient validé leur ticket pour la grande finale de Verbier. Sur le mythique Bec des Rosses, la fête s’annonçait belle.

L’Xtreme devait fêter ses 25 bougies. Mais, malgré un dernier tour de force des organisateurs avec une compétition à huis clos avancée en catastrophe, l’événement a été logiquement annulé.

Les locaux Élisabeth Gerritzen, Yann Rausis et Carl Renvall n’ont pu qu’observer les sommets enneigés depuis leur balcon. Privé de l’Xtreme, qui est aux freeriders ce que les Mondiaux sont aux skieurs alpins, les athlètes confinés ont tenté de garder la forme tout en comblant le manque de visibilité qu’offre chaque année la compétition dans la Mecque du freeride.

La palme de l’originalité à Rausis

Chacun y est allé avec ses vidéos et photos, afin de garder le lien avec les sponsors, le public et les médias. Le Valaisan Yann Rausis mérite sans doute la palme de l’originalité, lui qui a produit un film sans sortir les spatules du local à ski. Sa vidéo, «A Quiet Day Out», a même créé un petit buzz sur les réseaux sociaux. Son idée? Ressortir des images tournées en avril 2018 pour un projet de station fantôme qui était tombé à l’eau à l’époque.

Yann Rausis seul au monde dans la station de Verbier déserte.

https://www.youtube.com/watch?v=A2BYxoN4Tb

De là à écrire que Rausis est un visionnaire qui avait vu la pandémie venir, il y a un pas qu’on ne franchira pas. Dans la vidéo, on voit ainsi le Valaisan utiliser les cabines vides de Verbier grâce à des plans rapprochés mais aussi dévaler des pentes de neige fraîche.

Le film se termine par des images tournées dans les rues désertes de la station pendant la crise. Le skieur d’Orsières a ainsi pu malgré tout montrer ses sponsors, lui qui aurait dû se rendre en avril sur les pentes raides de Norvège pour y tourner d’autres images.

Univers peu familier

Ironie de l’histoire, c’est justement la pandémie qui a réveillé un projet qui dormait depuis quelques années: suivre les traces de la mythique Patrouille des Glaciers, mais à la sauce freeride. Basée à Verbier, la marque de ski Faction, qui équipe notamment les freeriders Rausis et Gerritzen ainsi que la freestyleuse genevoise Sarah Höfflin, a concrétisé son projet.

Prenez une volonté (un peu forcée) de rester à l’intérieur des frontières, ajoutez-y un terrain de jeu exceptionnel sur les faces de la mythique route Zermatt-Verbier, et vous obtenez le scénario d’un film qui sera diffusé dès le 24 novembre sur YouTube (voir le teaser ci-dessous), suivi par des diffusions dans des festivals de films de montagne cet automne.

Faction

«C’était une manière de nous réapproprier un peu cette course mythique»

Élisabeth Gerritzen, freerideuse

Les premières images de ce film produit par la marque valaisanne de ski ont été tournées fin mai. Dès que l’assouplissement des mesures a permis de se lancer en fait, puisque les deux Suisses, accompagnés par le skieur de Zermatt Sam Anthamatten et la néo-zélandaise Anna Smoothy, ont remis les peaux de phoque au pied du Cervin après avoir quasi hiberné pendant deux mois.

La Vaudoise Élisabeth Gerritzen est sortie de sa zone de confort, entre découverte de l’alpinisme et longues heures avec des skis de randonnée. Ruedi Flück

L’itinéraire escarpé de la «PdG» est long de 57,5 km, avec plus de 4000 m de dénivelé positif. Le tout a été avalé en deux jours – avec une nuit en cabane à Arolla – afin de repérer les sommets à skier.

Les freeriders se mettent dans le rouge

«Entre l’alpinisme pur et toutes ces longues approches en ski de rando, je me suis mise dans le rouge, avoue Élisabeth Gerritzen, qui participait à son premier moyen métrage après deux mois à la maison. C’était une manière de nous réapproprier un peu cette course mythique dont l’univers militaire m’est assez éloigné.»

Yann Rausis (derrière) a été bluffé par le terrain de jeu infini qu’offre la route entre Zermatt et Verbier. Ruedi Flück

Le film, sobrement intitulé «Zermatt à Verbier», veut montrer le contraste entre ski-alpinisme et freeride, ainsi que leur histoire. «J’imageais la Patrouille comme une autoroute sur des glaciers pour relier Zermatt à Verbier le plus vite possible, confie Yann Rausis. J’ai maintenant compris le défi, sublimé par des décors grandioses. Mais ça reste une manière d’appréhender la montagne différente de ma philosophie.»

«Nous avons découvert un terrain de jeu extraordinaire»

Yann Rausis, freerider

Après avoir parcouru l’itinéraire de la «PdG» et repéré les faces en chemin, les freeriders ont pu s’exprimer sur des pentes inédites. Ruedi Flück

S’il ne s’interdit pas un jour de participer à la course, le skieur d’Orsières préfère prendre le temps de réfléchir lorsqu’il scrute les sommets à l’horizon. De là-haut, il prépare minutieusement les lignes qu’il tracera sur les faces enneigées. La Dent-d’Hérens, le Mont-Blanc de Cheilon ou la Serpentine sont autant de sommets qui jalonnent l’itinéraire de la mythique épreuve annulée cette année et qui ont été explorées par les freeriders sur une dizaine de jours.

«Nous avons découvert un terrain de jeu extraordinaire, avec des possibilités infinies tout en nous rappelant que le ski offrait un moyen de locomotion entre nos vallées à l’époque», s’enthousiasme Yann Rausis. Une belle manière de conclure une saison que les deux athlètes pensaient avoir déjà terminée. Et de se montrer, même après avoir été privés de la lumière du Bec-des-Rosses. En attendant que la nouvelle saison qui approche.

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